Papéis de Alexandria*: na morte de Jean Suret-Canale

16-07-2009
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Biografia publicadaem L'HUMANITÉ26.6.2007L’histoire africaine perd son premier interprèteRésistant, intellectuel et militant, ses travaux sur l’Afrique précoloniale et sur le colonialisme ont formé des générations de chercheurs.Jean Suret-Canale vient de mourir . Ce fut un grand militant, un grand résistant et tout géographe qu’il était) un grand historien de l’Afrique. Né à Paris en 1921, il fait de brillantes études au lycée Henri-IV. Son premier prix au concours général de géographie en 1939 (après celui de thème latin en 1938) décide de son avenir par deux bourses de voyage, l’une au Dahomey en 1938 et l’autre en Indochine en 1939. Il y découvre la colonisation.Son professeur de philosophie, René Maublanc, lui-même grand militant communiste et résistant, joue un rôle décisif dans son choix de vie.Jean adhère aux étudiants communistes en juin 1939 entre l’écrit et l’oral du bac. Dès septembre 1940, il est arrêté à Paris alors qu’il colle des papillons et condamné à trois mois de prison. Libéré le 12 février 1941, il replonge dans le militantisme dès sa sortie. Ses activités lui ont valu la médaille de l’internement et de la déportation pour faits de Résistance, et la croixde combattant volontaire.Agrégé de géographie en 1946 (marié la même année avec Georgette Lamargot, ils auront trois enfants), il mène de front son métier de chercheur et son activité militante, dont il sait, chaque fois, tirer des ouvrages d’analyse précis et utiles : ainsi, récemment, les Francs-Tireurs et partisans français en Dordogne, et le Maquis de Corrèze (Tulle, 1995).De 1946 à 1949, il enseigne au lycée de Dakar (Sénégal). Il adhère au groupe d’études communiste dont il devient le secrétaire tout en militant au RDA (Rassemblement démocratique africain) et à l’Union des syndicats confédérés de Dakar. L’administration coloniale le fait expulser. Un livre en est sorti : les Groupes d’études communistes en AOF. En 1958, le tome I de l’Afrique noire occidentale et centrale est un événement, révélant l’histoire de l’Afrique précoloniale, supposée jusqu’alors « sans histoire » car sans écriture. Ce livre, fondamental pour les jeunes historiens d’alors, fait de Jean Suret-Canale l’initiateur de l’histoire africaine en France.Après quelques années d’enseignement et de brimades dues à ses activités syndicales, il répond en 1959 à l’appel de Sékou Touré pour venir remplacer, au lycée de Conakry, les enseignants français rappelés par de Gaulle à la suite du « non » de la Guinée au référendum sur la Communauté. Tout en enseignant, il crée la revue guinéenne Recherches africaines. Avec l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane, il rédige le premier manuel guinéen d’histoire, et en extrait aussi un livre d’histoire qui fit longtemps autorité : la République de Guinée (1980).Sous peine d’être rayé de la fonction publique, il doit revenir en France où il devient attaché pour chargé de recherches au CNRS et termine sa grande oeuvre d’histoire de l’Afrique française (1964 et 1972) : épais travail de synthèse qui demeure inégalé ce jour.Après un poste à l’université d’Oran (1974-1978), il est, de 1978 à 1984, auprès de Jean Dresch, maître-assistant de géographie à l’université de Paris-VII.Il y soutient l’année de sa retraite sa thèse d’État publiée en 1987 : Afrique et capitaux.Jean Suret-Canale a toujours mené de front ses activités de recherche et son militantisme ardent. Membre du comité central du Parti communiste français de 1967 à 1972, il est l’un des présidents de l’AFASPA (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique), animateur de la revue du même nom.Il laisse le souvenir d’un pionnier infatigable qui a véritablement introduit en France la discipline « histoire de l’Afrique ». Certes, on pourra aujourd’hui souligner quelques travers d’époque, mais sans oublier que sa carrière a largement souffert de son anticolonialisme vigoureux et de sa fidélité de vieux militant. Il faut se reporter sans faire d’anachronisme aux travaux de titan qu’il a produits : ces ouvrages sont irremplaçables par leur honnêteté rigoureuse et leur précision scientifique.Jean Suret-Canale était sur ses recherches d’une générosité absolue ; il savait encourager les jeunes talents, et il était toujours prêt à une relecture attentive, voire un échenillage pointu, soucieux, de faire éviter des erreurs que sa connaissance implacable des archives lui permettait de déceler.Nous perdons aujourd’hui un homme de coeur et de conviction et un grand chercheur.Testemunho de Catherine VidrovitchJean SURET-CANALE vient de mourir.Ce fut un grand militant, un grand résistant,et (tout géographe qu'il était) un grand historien de l'Afrique.Il était né à Paris en 1921 à Paris, d'un père qui avait une entreprise artisanale d'édition de médailles, et d'une mère artiste peintre. Il fit de brillantes études au lycée Henri-IV, qui lui valurent au concours général le premier prix de thème latin et le premier accessit de géographie en 1938, et le premier prix de géographie en 1939. Celui-ci décida de son avenir car, récompensé par deux bourses de voyage, l'une au Dahomey en 1938 et l'autre en Indochine en 1939, il y découvrit le problème colonial.Son professeur de philosophie, René Maublanc, lui-même grand militant communiste et grand résistant, joua un rôle décisif dans son choix de vie.Jean adhéra aux Étudiants communistes entre l'écrit et l'oral du baccalauréat, en juin 1939. Dès septembre 1940, il fut arrêté à Paris alors qu'il collait des papillons, et fut condamné, en novembre 1940, à trois mois de prison. Libéré le 12 février 1941, il replongea dans le militantisme dès sa sortie. En octobre 1941, il fut envoyé comme responsable UEC à Toulouse,puis chargé des Chantiers de Jeunesse d'où il déserta en juillet 1943, plongeant dès lors dans la clandestinité. Ses activités lui ont valu la médaille de l'internement et de la déportation pour faits de Résistance, et la croix de combattant volontaire de la Résistance.Toujours militant au parti communiste, il n' en fut pas moins reçu à l'agrégation de géographie en 1946. Il épousa Georgette Lamargot en septembre de la même année. Le couple eut trois enfants : Frédéric (1948), Claudine (1949) et Michel (1957). Dès lors, il allait mener de front sonmétier de chercheur et son activité militante, dont il sut, chaque fois, tirer des ouvrages d'analyse précis et utiles : ainsi encore, récemment, Les Francs-Tireurs et Partisans Français en Dordogne, et Le Maquis de Corrèze (Tulle, 1995).De 1946 à 1949, Jean Suret-Canale enseigna au lycée de Dakar (Sénégal). Il adhéra là-bas au groupe d'études communiste dont il devint le secrétaire tout en militant au RDA (Rassemblement démocratique africain) et à l'Union des syndicats confédérés de Dakar. Son activité militante provoqua, en février 1949, son expulsion d'AOF par une administration coloniale très hostile aux « menées subversives » des anticolonialistes d'alors. Là encore, un livre en est sorti : Les Groupes d'études communistes (GEC) en Afrique noire (L¹Harmattan 1994).Après quelques années d'enseignement en France et de brimades dues à ses activités syndicales (muté d'office au lycée de Laval en 1951), puis professeur au lycée J.-B. Say, à Paris de 1955 à 1959, il fit partie du comité de rédaction de La Nouvelle Critique et, surtout, publia en 1958 letome I de L' Afrique noire occidentale et centrale : l'ouvrage fut un événement, car il révélait en langue française l'histoire de l'Afrique des origines à la colonisation, à une époque où pour la quasi totalité des historiens professionnels l'Afrique « n'avait pas d'histoire » car elle ne connaissait pas d'écriture (deux propositions qui, à des titres divers, allaient s'avérer fausses). Ce livre fut donc fondamental pour les jeunes historiens d'alors, et fit de Jean Suret-Canale l'initiateur de l'histoire africaine comme le fut en Grande-Bretagne, à peu près exactement au même moment, Basil Davidson, qui avait aussi découvert l'Afrique à travers la guerre et la Résistance.En 1959, comme d'autres brillants jeunes intellectuels militants (parmi lesquels le poète sénégalais David Diop), Jean Suret-Canale répondit à l'appel de Sékou Touré pour venir remplacer, au lycée de Conakry, les enseignants français rappelés, comme les autres coopérants, du jour au lendemain par De Gaulle à la suite du non de la Guinée au référendum sur laCommunauté. Tout en enseignant, il dirigea, entre autres, l'École normale supérieure de Kindia et créa la revue guinéenne Recherches africaines. Avec l'historien guinéen Djibril Tamsir Niane, il rédigea le premier manuel guinéen d'histoire. Il en sortit aussi un livre d'histoire qui fit longtemps autorité : La République de Guinée, (Éditions sociales, 1980).Mais mis en demeure par la fonction publique française de quitter la Guinée sous peine d'être déchu de la nationalité française, Jean Suret-Canale dut revenir en France au bout de deux ans. Il devint attaché, puis chargé de recherches au CNRS (1966-1974). Cela lui permit de terminer sa grande ¦uvre d'histoire avec les tomes 2 et 3 (1964 et 1972) de son Histoire de l'Afriqueoccidentale et centrale française (jusqu'en 1960) : épais travail de synthèse bourré de recherches d'archives de première main qui demeure inégalé jusqu'à ce jour.Faute de poste en France, il partit comme maître-assistant à l'Université d'Oran (1974-1978), et revint enfin, de 1978 à 1984, auprès du Professeur Jean Dresch comme maître-assistant (on dirait aujourd'hui maître de Conférences) de Géographie à l'Université de Paris VII. Il y soutintl'année de sa retraite sa thèse d'Etat publiée en 1987 sous le titre : Afrique et capitaux. Il devint la même année docteur honoris causa de l'Université de Leipzig.Ainsi Jean Suret-Canale a toujours mené de front ses activités de recherche et son militantisme ardent. Membre titulaire du comité central du parti communiste français de 1967 à 1972, il devint en 1972 l'un des présidents de l'AFASPA (Association française d'amitié et de solidarité avec les peuples d'Afrique), et s'occupa activement de la revue du même nom. Il était président fondateur, depuis 1969, de l'Association d'amitié franco-coréenne et membre du comité d'honneur du MRAP. Depuis 1997, retiré en Gironde, il fut vice-président du comité départemental de l'ANACR et du comité de Libourne de la FNDIRP.Il laisse le souvenir d'un pionnier infatigable, qui a véritablement introduit en France la discipline « Histoire de l'Afrique » et durablement marqué des générations d'étudiants et de chercheurs, aussi bien en Afrique qu'en France. Certes, on pourra aujourd'hui souligner quelques travers d'époque, mais on ne doit pas oublier non plus que sa carrière a largement souffert de son militantisme anticolonialiste vigoureux et de sa fidélité de vieux militant. Il faut se reporter sans faire d'anachronisme aux travaux de titan qu'il a produits au prix d'un labeur acharné : ces ouvrages sont irremplaçables par leur honnêteté rigoureuse et leur précision scientifique.En outre, Jean Suret-Canale était sur ses recherches d'une générosité absolue ; il savait encourager les jeunes talents, et aussi prêter la plus soigneuse attention aux écrits de ses pairs, toujours prêt à une relecture attentive, voire un échenillage pointu, soucieux de faire éviter des erreurs que sa connaissance implacable des archives lui permettait de déceler.Nous perdons aujourd'hui un homme de coeur et de conviction et un grand chercheur.BibiografiaPublications - Afrique Noire: l'Ere Coloniale (Editions Sociales, Paris, 1971).- Afrique Noire: de la Décolonisation aux Indépendances (Editions Sociales, Paris, 1972).- Afrique Noire, Géographie, Civilisation, Histoire (Editions Sociales, Paris, 1973).Autres ouvrages - Les Groupes d'Etudes Communistes (G.E.C.) en Afrique Noire- La République de Guinée, Paris. Editions sociales, 1970.- Etablissement industriel guinéen.- La Guinée dans le système colonial, Présence africaine, 29 (Dec. 1959-Janv.) 1960- Notes sur l'économie guinéenne- La Guinée face à son avenir, Nouvelle revue internationale, 9 février 1966- La fin de la chefferie en Guinée, Journal of African History, 7, No. 3. 1966- Découverte de Samori. Cahiers d'études africaines. 1977 (17)66: 381-388.- Tableau économique de la Guinée, Bulletin d'Afrique noire, 10 janvier 1966- Touba, haut-lieu de l'Islam en Guinée * Jean Suret-Canale & Djibril Tamsir Niane. 1961. - Histoire de l'Afrique Occidentale - Contribution au Le Livre noir du capitalisme, 1997.


Biografia publicadaem L'HUMANITÉ26.6.2007L’histoire africaine perd son premier interprèteRésistant, intellectuel et militant, ses travaux sur l’Afrique précoloniale et sur le colonialisme ont formé des générations de chercheurs.Jean Suret-Canale vient de mourir . Ce fut un grand militant, un grand résistant et tout géographe qu’il était) un grand historien de l’Afrique. Né à Paris en 1921, il fait de brillantes études au lycée Henri-IV. Son premier prix au concours général de géographie en 1939 (après celui de thème latin en 1938) décide de son avenir par deux bourses de voyage, l’une au Dahomey en 1938 et l’autre en Indochine en 1939. Il y découvre la colonisation.Son professeur de philosophie, René Maublanc, lui-même grand militant communiste et résistant, joue un rôle décisif dans son choix de vie.Jean adhère aux étudiants communistes en juin 1939 entre l’écrit et l’oral du bac. Dès septembre 1940, il est arrêté à Paris alors qu’il colle des papillons et condamné à trois mois de prison. Libéré le 12 février 1941, il replonge dans le militantisme dès sa sortie. Ses activités lui ont valu la médaille de l’internement et de la déportation pour faits de Résistance, et la croixde combattant volontaire.Agrégé de géographie en 1946 (marié la même année avec Georgette Lamargot, ils auront trois enfants), il mène de front son métier de chercheur et son activité militante, dont il sait, chaque fois, tirer des ouvrages d’analyse précis et utiles : ainsi, récemment, les Francs-Tireurs et partisans français en Dordogne, et le Maquis de Corrèze (Tulle, 1995).De 1946 à 1949, il enseigne au lycée de Dakar (Sénégal). Il adhère au groupe d’études communiste dont il devient le secrétaire tout en militant au RDA (Rassemblement démocratique africain) et à l’Union des syndicats confédérés de Dakar. L’administration coloniale le fait expulser. Un livre en est sorti : les Groupes d’études communistes en AOF. En 1958, le tome I de l’Afrique noire occidentale et centrale est un événement, révélant l’histoire de l’Afrique précoloniale, supposée jusqu’alors « sans histoire » car sans écriture. Ce livre, fondamental pour les jeunes historiens d’alors, fait de Jean Suret-Canale l’initiateur de l’histoire africaine en France.Après quelques années d’enseignement et de brimades dues à ses activités syndicales, il répond en 1959 à l’appel de Sékou Touré pour venir remplacer, au lycée de Conakry, les enseignants français rappelés par de Gaulle à la suite du « non » de la Guinée au référendum sur la Communauté. Tout en enseignant, il crée la revue guinéenne Recherches africaines. Avec l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane, il rédige le premier manuel guinéen d’histoire, et en extrait aussi un livre d’histoire qui fit longtemps autorité : la République de Guinée (1980).Sous peine d’être rayé de la fonction publique, il doit revenir en France où il devient attaché pour chargé de recherches au CNRS et termine sa grande oeuvre d’histoire de l’Afrique française (1964 et 1972) : épais travail de synthèse qui demeure inégalé ce jour.Après un poste à l’université d’Oran (1974-1978), il est, de 1978 à 1984, auprès de Jean Dresch, maître-assistant de géographie à l’université de Paris-VII.Il y soutient l’année de sa retraite sa thèse d’État publiée en 1987 : Afrique et capitaux.Jean Suret-Canale a toujours mené de front ses activités de recherche et son militantisme ardent. Membre du comité central du Parti communiste français de 1967 à 1972, il est l’un des présidents de l’AFASPA (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique), animateur de la revue du même nom.Il laisse le souvenir d’un pionnier infatigable qui a véritablement introduit en France la discipline « histoire de l’Afrique ». Certes, on pourra aujourd’hui souligner quelques travers d’époque, mais sans oublier que sa carrière a largement souffert de son anticolonialisme vigoureux et de sa fidélité de vieux militant. Il faut se reporter sans faire d’anachronisme aux travaux de titan qu’il a produits : ces ouvrages sont irremplaçables par leur honnêteté rigoureuse et leur précision scientifique.Jean Suret-Canale était sur ses recherches d’une générosité absolue ; il savait encourager les jeunes talents, et il était toujours prêt à une relecture attentive, voire un échenillage pointu, soucieux, de faire éviter des erreurs que sa connaissance implacable des archives lui permettait de déceler.Nous perdons aujourd’hui un homme de coeur et de conviction et un grand chercheur.Testemunho de Catherine VidrovitchJean SURET-CANALE vient de mourir.Ce fut un grand militant, un grand résistant,et (tout géographe qu'il était) un grand historien de l'Afrique.Il était né à Paris en 1921 à Paris, d'un père qui avait une entreprise artisanale d'édition de médailles, et d'une mère artiste peintre. Il fit de brillantes études au lycée Henri-IV, qui lui valurent au concours général le premier prix de thème latin et le premier accessit de géographie en 1938, et le premier prix de géographie en 1939. Celui-ci décida de son avenir car, récompensé par deux bourses de voyage, l'une au Dahomey en 1938 et l'autre en Indochine en 1939, il y découvrit le problème colonial.Son professeur de philosophie, René Maublanc, lui-même grand militant communiste et grand résistant, joua un rôle décisif dans son choix de vie.Jean adhéra aux Étudiants communistes entre l'écrit et l'oral du baccalauréat, en juin 1939. Dès septembre 1940, il fut arrêté à Paris alors qu'il collait des papillons, et fut condamné, en novembre 1940, à trois mois de prison. Libéré le 12 février 1941, il replongea dans le militantisme dès sa sortie. En octobre 1941, il fut envoyé comme responsable UEC à Toulouse,puis chargé des Chantiers de Jeunesse d'où il déserta en juillet 1943, plongeant dès lors dans la clandestinité. Ses activités lui ont valu la médaille de l'internement et de la déportation pour faits de Résistance, et la croix de combattant volontaire de la Résistance.Toujours militant au parti communiste, il n' en fut pas moins reçu à l'agrégation de géographie en 1946. Il épousa Georgette Lamargot en septembre de la même année. Le couple eut trois enfants : Frédéric (1948), Claudine (1949) et Michel (1957). Dès lors, il allait mener de front sonmétier de chercheur et son activité militante, dont il sut, chaque fois, tirer des ouvrages d'analyse précis et utiles : ainsi encore, récemment, Les Francs-Tireurs et Partisans Français en Dordogne, et Le Maquis de Corrèze (Tulle, 1995).De 1946 à 1949, Jean Suret-Canale enseigna au lycée de Dakar (Sénégal). Il adhéra là-bas au groupe d'études communiste dont il devint le secrétaire tout en militant au RDA (Rassemblement démocratique africain) et à l'Union des syndicats confédérés de Dakar. Son activité militante provoqua, en février 1949, son expulsion d'AOF par une administration coloniale très hostile aux « menées subversives » des anticolonialistes d'alors. Là encore, un livre en est sorti : Les Groupes d'études communistes (GEC) en Afrique noire (L¹Harmattan 1994).Après quelques années d'enseignement en France et de brimades dues à ses activités syndicales (muté d'office au lycée de Laval en 1951), puis professeur au lycée J.-B. Say, à Paris de 1955 à 1959, il fit partie du comité de rédaction de La Nouvelle Critique et, surtout, publia en 1958 letome I de L' Afrique noire occidentale et centrale : l'ouvrage fut un événement, car il révélait en langue française l'histoire de l'Afrique des origines à la colonisation, à une époque où pour la quasi totalité des historiens professionnels l'Afrique « n'avait pas d'histoire » car elle ne connaissait pas d'écriture (deux propositions qui, à des titres divers, allaient s'avérer fausses). Ce livre fut donc fondamental pour les jeunes historiens d'alors, et fit de Jean Suret-Canale l'initiateur de l'histoire africaine comme le fut en Grande-Bretagne, à peu près exactement au même moment, Basil Davidson, qui avait aussi découvert l'Afrique à travers la guerre et la Résistance.En 1959, comme d'autres brillants jeunes intellectuels militants (parmi lesquels le poète sénégalais David Diop), Jean Suret-Canale répondit à l'appel de Sékou Touré pour venir remplacer, au lycée de Conakry, les enseignants français rappelés, comme les autres coopérants, du jour au lendemain par De Gaulle à la suite du non de la Guinée au référendum sur laCommunauté. Tout en enseignant, il dirigea, entre autres, l'École normale supérieure de Kindia et créa la revue guinéenne Recherches africaines. Avec l'historien guinéen Djibril Tamsir Niane, il rédigea le premier manuel guinéen d'histoire. Il en sortit aussi un livre d'histoire qui fit longtemps autorité : La République de Guinée, (Éditions sociales, 1980).Mais mis en demeure par la fonction publique française de quitter la Guinée sous peine d'être déchu de la nationalité française, Jean Suret-Canale dut revenir en France au bout de deux ans. Il devint attaché, puis chargé de recherches au CNRS (1966-1974). Cela lui permit de terminer sa grande ¦uvre d'histoire avec les tomes 2 et 3 (1964 et 1972) de son Histoire de l'Afriqueoccidentale et centrale française (jusqu'en 1960) : épais travail de synthèse bourré de recherches d'archives de première main qui demeure inégalé jusqu'à ce jour.Faute de poste en France, il partit comme maître-assistant à l'Université d'Oran (1974-1978), et revint enfin, de 1978 à 1984, auprès du Professeur Jean Dresch comme maître-assistant (on dirait aujourd'hui maître de Conférences) de Géographie à l'Université de Paris VII. Il y soutintl'année de sa retraite sa thèse d'Etat publiée en 1987 sous le titre : Afrique et capitaux. Il devint la même année docteur honoris causa de l'Université de Leipzig.Ainsi Jean Suret-Canale a toujours mené de front ses activités de recherche et son militantisme ardent. Membre titulaire du comité central du parti communiste français de 1967 à 1972, il devint en 1972 l'un des présidents de l'AFASPA (Association française d'amitié et de solidarité avec les peuples d'Afrique), et s'occupa activement de la revue du même nom. Il était président fondateur, depuis 1969, de l'Association d'amitié franco-coréenne et membre du comité d'honneur du MRAP. Depuis 1997, retiré en Gironde, il fut vice-président du comité départemental de l'ANACR et du comité de Libourne de la FNDIRP.Il laisse le souvenir d'un pionnier infatigable, qui a véritablement introduit en France la discipline « Histoire de l'Afrique » et durablement marqué des générations d'étudiants et de chercheurs, aussi bien en Afrique qu'en France. Certes, on pourra aujourd'hui souligner quelques travers d'époque, mais on ne doit pas oublier non plus que sa carrière a largement souffert de son militantisme anticolonialiste vigoureux et de sa fidélité de vieux militant. Il faut se reporter sans faire d'anachronisme aux travaux de titan qu'il a produits au prix d'un labeur acharné : ces ouvrages sont irremplaçables par leur honnêteté rigoureuse et leur précision scientifique.En outre, Jean Suret-Canale était sur ses recherches d'une générosité absolue ; il savait encourager les jeunes talents, et aussi prêter la plus soigneuse attention aux écrits de ses pairs, toujours prêt à une relecture attentive, voire un échenillage pointu, soucieux de faire éviter des erreurs que sa connaissance implacable des archives lui permettait de déceler.Nous perdons aujourd'hui un homme de coeur et de conviction et un grand chercheur.BibiografiaPublications - Afrique Noire: l'Ere Coloniale (Editions Sociales, Paris, 1971).- Afrique Noire: de la Décolonisation aux Indépendances (Editions Sociales, Paris, 1972).- Afrique Noire, Géographie, Civilisation, Histoire (Editions Sociales, Paris, 1973).Autres ouvrages - Les Groupes d'Etudes Communistes (G.E.C.) en Afrique Noire- La République de Guinée, Paris. Editions sociales, 1970.- Etablissement industriel guinéen.- La Guinée dans le système colonial, Présence africaine, 29 (Dec. 1959-Janv.) 1960- Notes sur l'économie guinéenne- La Guinée face à son avenir, Nouvelle revue internationale, 9 février 1966- La fin de la chefferie en Guinée, Journal of African History, 7, No. 3. 1966- Découverte de Samori. Cahiers d'études africaines. 1977 (17)66: 381-388.- Tableau économique de la Guinée, Bulletin d'Afrique noire, 10 janvier 1966- Touba, haut-lieu de l'Islam en Guinée * Jean Suret-Canale & Djibril Tamsir Niane. 1961. - Histoire de l'Afrique Occidentale - Contribution au Le Livre noir du capitalisme, 1997.

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